Une équipe de Généthon parvient à inhiber la réponse immunitaire liée aux AAV et ouvre ainsi la possibilité de traiter plus de malades par thérapie génique
Dans le cadre d’une collaboration internationale, une équipe de Généthon a publié le 1er juin 2020 dans Nature Medicine, les résultats de travaux qui ouvrent de nouvelles perspectives pour la thérapie génique. Les chercheurs ont réussi, grâce à l’enzyme IdeS, à inhiber la réponse immunitaire contre l’AAV, provoquée par des anticorps présents dans le cadre d’une immunité naturelle ou consécutive à une thérapie génique.
La thérapie génique consiste à injecter un gène-médicament dans un organisme grâce un vecteur, un « moyen de transport » capable de franchir toutes les barrières biologiques de la cellule jusqu’au noyau. Les vecteurs les plus utilisés sont dérivés de virus, comme les AAVs (virus adéno-associé), notamment utilisés pour la thérapie génique du muscle, du foie, de l’œil… Dans de nombreux cas, une fois en contact avec ce virus, l’organisme développe des immunoglobulines (IgG) dites neutralisantes, c’est-à-dire des anticorps spécifiques qui inhibent les AAVs. On estime que 30 à 50% de la population est naturellement immunisée contre les AAVs les plus utilisés comme vecteurs ; de ce fait, un grand nombre de patients ne peuvent actuellement pas bénéficier de la thérapie génique par l’AAV. De plus, une première injection d’un AAV dans le cadre d’une thérapie génique provoque également l’apparition d’anticorps, et empêche toute ré-administration.
Lever cet obstacle étant déterminant pour traiter un maximum de malades, les équipes de Giuseppe Ronzitti, chercheur à Généthon, de Sébastien Lacroix-Desmazes, chercheur CNRS-Inserm et de Federico Mingozzi, de la société de biotechnologies Spark Therapeutics, ont testé chez des modèles animaux l’efficacité de l’enzyme IdeS, une enzyme qui réduit naturellement l’action des immunoglobulines IgGs, pour contrer la réponse immunitaires.
L’étude s’est déroulée en deux temps :
- Les chercheurs ont injecté l’enzyme IdeS chez des sujets immunisés contre les AAV avant l’injection du vecteur de thérapie génique du même sérotype puis ont observé que le traitment IdeS a permis de neutraliser l’action des anticorps. Cette première étape a permis de démontrer l’efficacité de l’approche chez des sujets naturellement immunisés.
- Les équipes ont ensuite testé cette approche dans la perspective d’une éventuelle réinjection de médicament de thérapie génique. Ils ont donc administré une première dose de vecteur AAV, puis une seconde, précédée de l’injection d’Ides. Les observations ont permis de constater que IdeS, en réduisant le taux d’anticorps circulants, permettait la ré-administration du vecteur.
Ces deux études démontrent que le traitement par IdeS permet donc une administration répétée de thérapie génique par vecteur AAV chez les modèles étudiés. Une avancée significative et prometteuse pour le traitement des maladies génétiques rares car, si l’efficacité de cette technique est confirmée chez l’Homme, elle permettra de traiter les malades dès les premiers signes de la maladie et de réinjecter un médicament de thérapie génique si nécessaire.
« Ces études devraient nous permettre de tester cette approche innovante chez l’Homme et ainsi, à terme, donner la possibilité à des patients, séropositifs pour l’AAV, de bénéficier de la thérapie génique, malgré la présence d’anticorps. Cela pourrait permettre également de traiter les patients dès l’apparition des premiers symptômes d’une maladie, du foie par exemple, et si nécessaire, ré-administrer le traitement de thérapie génique de manière efficace » souligne Christian Leborgne, ingénieur de chercheur à Généthon.
« Cette étude représente un pas important pour résoudre un problème complexe et fondamental, à savoir l’administration répétée de traitements de thérapie génique aux patients qui pourraient en avoir besoin, ainsi que le traitement de patients qui aujourd’hui ne sont pas éligibles à la thérapie génique du fait de l’existence dans leur organisme d’anticorps neutralisants. Cette étude met en valeur, une fois encore, l’expertise de nos chercheurs qui imaginent et développent de nouvelles approches pour rendre la thérapie génique encore plus efficace et élargir le nombre de malades qui peuvent y avoir accès » déclare Frédéric Revah, Directeur Général de Généthon.