Preuve d’efficacité d’une thérapie génique chez des rongeurs dans une maladie génétique rare du foie, le syndrome de Crigler-Najjar

Federico Mingozzi, responsable de l’équipe Immunologie et Thérapie Génique dans les maladies du foie à Généthon, le laboratoire créé par l’AFM-Téléthon, a présenté, lors du 48e congrès annuel de l’European Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition (ESPGHAN, 6-9 mai, Amsterdam), les travaux réalisés en collaboration avec une équipe italienne et une équipe hollandaise démontrant la correction à long terme d’une anomalie génétique à l’origine de l’accumulation toxique de la bilirubine chez des modèles murins du syndrome de Crigler-Najjar.

Le syndrome de Crigler-Najjar est une maladie héréditaire du métabolisme (mutation du gène UGT1A1) caractérisée par l’accumulation toxique de bilirubine, une substance fabriquée par le foie, dans le corps. En effet, lorsque la bilirubine glucurono-syltransférase (GT), l’enzyme chargée d’éliminer la bilirubine, ne fonctionne pas, cette dernière s’accumule, provoquant un ictère intense et chronique (une jaunisse), et devenant toxique pour le cerveau. Suivent des troubles neurologiques graves allant souvent jusqu’au décès du patient.

La thérapie génique a permis le rétablissement d’un taux de bilirubine équivalent aux animaux sains

L’équipe de Federico Mingozzi (Généthon, Evry/France), en collaboration avec l’équipe d’Andres Muro (ICGRB, Trieste/Italie) et l’équipe de Piter Bosma (AMC, Amsterdam/Pays-Bas), a transféré grâce à un vecteur AAV (virus adéno-associé), spécialement développé par Généthon, une copie du gène UGT1A1 (codant pour la production de la bilirubine GT) dans les cellules hépatiques (hépatocytes) de rats et de souris porteurs de l’anomalie. Après injection, les niveaux de bilirubine transformée des animaux traités sont équivalents à ceux des animaux sains. La correction a été confirmée plus de 6 mois après l’injection, sans nécessiter d’immunosuppression préalable ou d’intervention supplémentaire.

Les chercheurs ont donc démontré qu’une seule injection du vecteur AAV-UGT1A1 a permis la correction à long terme du syndrome de Crigler-Najjar chez les animaux traités.

Vers un essai clinique de phase I/II

Ces résultats ouvrent la voie à la mise en place d’un essai clinique de phase I/II d’ici fin 2016 dont Généthon sera le promoteur. En 2015, ont lieu les études de toxicité réglementaires et la transposition industrielle pour la production du lot clinique de traitement selon les normes BPF (Bonnes pratiques de fabrication) assurée par Généthon*. Vingt patients seront inclus dans 5 centres investigateurs en Europe : en France (APHP Antoine Béclère), aux Pays-Bas (Academic Medical Center), en Allemagne (Hannover Medical School), et en Italie (Azienda Ospedaliera Papa Giovanni XXIII à Bergame et Federico II Hospital à Naples).

Pour Federico Mingozzi, à l’origine des travaux : « Ces résultats prometteurs nous permettent d’envisager un essai clinique d’ici, si tout va bien, fin 2016 ou début 2017. Je suis très enthousiaste à l’idée de poursuivre ce projet dont la force vient du fait que tous les acteurs — les chercheurs, les centres cliniques et les associations de malades (en France, Italie et Pays-Bas, très actives — travaillent de manière très étroite depuis 2013. »

Frédéric Revah, le directeur général de Généthon: « Ce nouvel essai sera un nouveau challenge pour Généthon. En effet, après avoir engagé le développement de traitements de thérapie génique pour des déficits immunitaires, pour des maladies du muscle et contribué au développement de traitements pour des maladies de la vision et du sang, Généthon va entamer le développement d’un candidat médicament pour le foie. Une nouvelle démonstration du savoir-faire de Généthon et de son expertise unique : développer et produire simultanément des traitements de thérapie génique pour des familles différentes de pathologies rares. »