Maladies neuromusculaires : Une approche thérapeutique pharmacologique pour certaines sarcoglycanopathies

Une équipe de chercheurs dirigée par le Dr Isabelle Richard (CNRS-FRE3087) du laboratoire Généthon, financé par l’AFM grâce aux dons du Téléthon, vient de démontrer, chez la souris, l’efficacité d’une nouvelle stratégie thérapeutique, pharmacologique, pour certaines mutations de l’alphasarcoglycanopathie ou LGMD2D, une myopathie des ceintures récessive. Cette stratégie pharmacologique pourrait s’appliquer à d’autres dystrophies musculaires des ceintures caractérisées par le même type de mutation génétique. Ces travaux sont publiés en ligne sur le site de la revue Human Molecular Genetics.

Les dystrophies musculaires des ceintures (LGMD, de l’anglais « Limb girdle muscular dystrophy ») constituent un groupe de maladies neuromusculaires caractérisées par une faiblesse musculaire progressive, dans lesquelles les muscles des ceintures scapulaire et pelvienne sont principalement touchés. Différents sous-types de LGMD sont actuellement distingués grâce aux analyses des protéines et grâce à l’analyse génétique. La LGMD de type 2D ou alpha-sarcoglycanopathie se transmet de manière autosomique récessive et est causée par des mutations du gène Sgca localisé sur le chromosome 17 et codant pour l’alpha-sarcoglycane, une protéine du complexe des sarcoglycanes. Ce complexe, situé dans la membrane des cellules musculaires, assure, dans des conditions normales, la stabilité et la résistance mécanique de la membrane de la cellule lors des contractions du muscle. En cas de mutation dans l’une des protéines de ce complexe comme c’est le cas dans l’alpha-sarcoglycanopathie, les répétitions des contractions vont créer des microlésions de la membrane des fibres musculaires qui, à terme, finissent par détruire de manière irréversible les tissus musculaires et, donc, conduisent à une perte de la force musculaire. Il n’existe aujourd’hui aucun traitement permettant de guérir cette maladie.

On sait qu’un tiers des patients atteints d’alpha-sarcoglycanopathie sont porteurs d’une même mutation (R77C) : c’est la plus fréquente des mutations dans cette maladie. En collaboration avec le centre d’immunologie de Luminy à Marseille, les chercheurs de Généthon ont réalisé un modèle murin reproduisant cette mutation et ont pu constater qu’il ne présentait pas de signes dystrophiques. Grâce à des observations sur des modèles cellulaires et animaux, les chercheurs de Généthon ont pu démontrer que la conséquence de la mutation R77C était la production d’une protéine malformée qui ne peut atteindre la membrane une fois qu’elle a été synthétisée, car elle est éliminée par le mécanisme assurant le « contrôle qualité » des protéines dans le réticulum endoplasmique. La maladie ne serait donc pas causée par une perte de fonction de la protéine mais par sa dégradation prématurée qui l’empêche de regagner la membrane cellulaire et de s’intégrer au complexe des sarcoglycanes.

Forts de cette découverte, les chercheurs ont utilisé des molécules capables d’inhiber l’alpha-mannosidase, l’un des éléments du système de contrôle qualité. Ils ont injecté l’une de ces molécules inhibitrices par voie intramusculaire chez des souris dans lesquelles avait été introduit préalablement un gène codant pour la protéine humaine mutée (R77C) et ont montré que le produit permettait de rediriger l’alpha-sarcoglycane mutée dans la membrane cellulaire, rendant ainsi de nouveau fonctionnel le complexe des sarcoglycanes. Les chercheurs ont également pu constater la diminution des atteintes dystrophiques dans les fibres musculaires traitées.

Ces travaux ouvrent des perspectives pour une approche thérapeutique nouvelle, pharmacologique, pour la LGMD2D causée par ce type de mutation mais aussi pour d’autres sarcoglycanopathies dûes au même type de mutations, c’est-à-dire des mutations perturbant l’adressage à la membrane d’une protéine ayant gardé toute sa fonctionnalité.

L’équipe « Dystrophies musculaires des ceintures » de Généthon, dirigée depuis 1999 par le Dr Isabelle Richard, illustre parfaitement le chemin parcouru par le laboratoire créé en 1991 par l’AFM et financé grâce aux dons du Téléthon. Cette équipe est, en effet, à l’origine de l’identification de nombreux gènes et mécanismes à l’origine des dystrophies musculaires des ceintures. Elle travaille aujourd’hui à la mise au point de thérapeutiques innovantes pour ces maladies et prépare notamment un essai de thérapie génique pour la calpaïnopathie.